Le chirurgien plasticien se retrouve de plus en plus confronté à des demandes de chirurgie esthétique chez les adolescent(e)s.
Les demandes les plus fréquentes concernent les oreilles décollées, le nez (rhinoplastie pour bosse), les seins (demande d’augmentation ou de réduction, gynécomastie chez l’homme), la silhouette (liposuccion des rondeurs…).
La préoccupation corporelle fait partie du processus de l’adolescence. C’est le moment où l’on constitue sa personnalité et où le corps est en pleine transformation. C’est une période de fragilisation, de recherche de limites, de transformations corporelles non contrôlables. Dans les moments où l’on n’a plus de repères, où l’on semble perdu dans la vie, le corps va souvent apparaître comme un lieu dont on pense pouvoir prendre facilement le contrôle avec des modifications corporelles : piercings, tatouages…
Une intervention de chirurgie esthétique est néanmoins possible chez l’adolescent en respectant certaines règles absolues:
- réaliser une bonne évaluation psychologique, en multipliant les consultations préopératoires, sans prendre de décision rapide:
Il faut surtout bien comprendre le fondement de la demande et ce qu’il y a derrière cette envie de changement. La demande de chirurgie sur un organe pouvant être une cristallisation de problèmes psychologiques ou psychiatriques inconscients.
Les adolescents fonctionnent beaucoup avec le mode de « pensée magique ». Par exemple, la liposuccion, c’est merveilleux; les prothèses mammaires c’est fantastique. Une petite canule va enlever toute la graisse placée dans les bourrelets !
- réaliser une bonne évaluation physique en sachant que le corps de l’adolescent est en cours de transformation, et respecter la fin de la croissance des organes avant d’intervenir :
Les préoccupations corporelles se présentent très tôt ; elles existent même chez les tout-petits avec des moqueries et des colibets envers les enfants qui sont différents physiquement : obèses, grandes tailles ou petites tailles, handicapés physiques ou mentaux, oreilles décollées….
Cependant, lorsque la personnalité a bien été évaluée et que des problèmes psychologiques ou psychiatriques sans rapport avec la disgrâce physique ont été écartés, il faut savoir reconnaître la souffrance qui est secondaire à cette disgrâce:
- Oreilles décollée : l’intervention est le plus souvent demandée par les parents dés la naissance. L’intervention (otoplastie esthétique) peut être réalisée dés l’âge de 7 ans à la demande de l’enfant, une fois que l’oreille a pratiquement terminé sa croissance.
- Nez hypertrophique : lorsqu’il existe un retentissement psychologique important, une rhinoplastie peut être réalisée chez l’adolescent à partir de l’âge de 15 ans, lorsque la croissance nasale est presque terminée.
- Hypertrophie mammaire : L’hypertrophie mammaire peut s’accompagner d’une gène psychologique avec gêne sociale et éviction des activités sportives. L’intervention doit être bien réfléchie, car elle laisse des cicatrices indélébiles. Lorsqu’elle s’accompagne d’une souffrance psychologique importante et que l’hypertrophie est majeure, elle peut être réalisée dés la fin de la croissance mammaire, vers 17-18ans, si besoin, en évaluant l’âge osseux par une radiographie du poignet.
- Hypotrophie mammaire : la demande est de plus en plus fréquente chez l’adolescente. Lorsqu’elle s’accompagne d’une souffrance psychologique importante et que l’hypotrophie est majeure, elle peut être réalisée dés la fin de la croissance mammaire, vers 17-18ans, si besoin, en évaluant l’âge osseux par une radiographie du poignet.
- Culotte de cheval : certaines disgrâces au niveau de la silhouette comme la culotte de cheval apparaissent au niveau de la puberté, ont une cause génétique et ne répondent ni au sport ni aux régimes. Lorsqu’elle s’accompagne d’une souffrance psychologique importante et que la déformation est majeure, une liposuccion peut être réalisée, après stabilisation du poids, dés la fin de la croissance staturo-pondérale, vers 17-18ans, si besoin, en évaluant l’âge osseux par une radiographie du poignet.
- bien différencier la demande de l’adolescent de celle des parents qui parfois peut être au premier plan
C’est le cas typique de demande de réduction mammaire par la mère, qui ne supporte pas l’apparition d’attributs de féminité chez sa fille; avec parfois incompréhension de l’intervention par l’adolescente et regrets à l’âge adulte..
- demande de l’autorisation concomitante des 2 parents.
Pour un acte de chirurgie classique chez un mineur, légalement, seule l’autorisation d’un des deux parents suffit. Pour un acte de chirurgie esthétique, l’autorisation écrite des 2 parents s’impose d’elle même et paraît obligatoire. Il faut que l’intervention soit bien intégrée dans la cellule familiale et chez les proches.
En conclusion, un chirurgien plasticien sérieux entendra la souffrance derrière la demande.
Une souffrance psychologique réellement liée à un défaut physique majeur parait être une bonne indication à la chirurgie esthétique chez l’adolescent, tout en restant prudent. Le chirurgien expliquera alors les bénéfices, les possibilités, les risques, les inconvénients, les limites et les complications de l’intervention envisagée. (Une cure d’hypertrophie mammaire ou une rhinoplastie peut réellement transformer psychologiquement une adolescente qui était timide, inhibée…)
Souvent, devant un défaut physique objectivement non majeur, il est sage de proposer un délai de réflexion de plusieurs mois voire années et de refaire le point, en temporisant jusqu’à l’âge adulte , avec une prise en charge psychologique si nécessaire. Parfois, l’adolescent a simplement besoin d’être rassuré sur la normalité de son physique.
Quand il existe une grande distorsion sur l’image du corps avec disproportion du retentissement psychologique par rapport au défaut physique, une prise en charge psychologique voire psychiatrique est nécessaire au lieu d’une intervention. Un refus catégorique et inexpliqué serait très mal vécu par l’adolescent, et doit toujours être expliqué.